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Le livre en noir
14 mars 2006

Raté... suite.

    - Parfait. Ça se fera ce soir, à vingt deux heures. le vieux ferme sa boite à vingt heures et fait ses comptes jusqu'à tard dans la nuit. l'Oeuf se débrouillera pour bousiller le transfo et couper le jus du quartier. dans le noir, on sera tranquille. Pas d'alarme, pas de témoins. La Trique et moi, on ira chercher le pognon.
    - Et moi, je fais quoi ?
    - Tu surveilles. T'es devant la porte, tu surveilles et c'est tout. Y'a peu de risques que les flics se pointent vite.
    - Et les autres ? Les promeneurs ? Les piétons ?
    - Y'aura personne à cette heure. T'as vu le quartier ?
    - Et si Ollier se défend ? La plupart des commerçants du quartier sont armés, tu sais ?
    - Sans blague ? J'ai prévu le coup dis-toi.
Il baissa un peu la fermeture de son blouson et en tira un lourd sac en papier qu'il posa à terre. Il l'ouvrit et en sortit, précautionneusement, quatre pistolets. Les battements du coeur de Francis s'accélérèrent.
    - Ils sont à mes potes, dit Grand Joe en distribuant les armes. Faites pas les cons, ils sont chargés.
Francis soupesa son pistolet. Il sentit la froideur du métal, regarda la lumière des lampadaires accrocher des lueurs de braise sur le canon. Ses pensées étaient mélées de crainte et de fascination. Il n'y connaissait pas grand-chose en armes à feu, les seules qu'il avait eu entre les mains étaient les carabines de la fête foraine et un pistolet à air comprimé avec lequel il s'amusait à descendre les rats. Ce flingue pouvait être un .38 ou un magnum 44, pour lui, ça revenait au même. Il savait qu'il y avait au moins six balles dans le barillet, et que ça suffisait à refroidir définitivement n'importe qui. Il leva l'arme en l'air, visa la carcasse rouillée de la voiture au milieu de la cour. Il s'imaginant tirant. Le chien percutant la balle. La fumée jaillissant en vrille du canon. Une gerbe d'étincelles bleues et blanches, filant en sifflant et en perforant, en déchirant, arrachant la tôle de la voiture... ou se creusant un chemin sanglant dans un corps humain, tandis qu'un bruit de tonnerre emplissait la ville.
Il pressa la détente.

KA-BLAM

Une portière vola en l'air avant de retomber en sonnant creux, un trou gros comme le poing en plein milieu. La Trique abaissa le bras du Clou.
    - T'es malade ! Cria t'il en postillonnant. Tu veux réveiller tout le quartier ?
Le Clou cacha le pistolet dans sa poche.
    - J'voulais juste l'essayer.
    - Garde tes bastos pour le vieux !
    - C'est bon vous deux, dit Grand Joe. Fermez-la un peu.
    - Un peu... répéta l'Oeuf.
    - Tu crois qu'il est en état ? Demanda la Trique en désignant l'Oeuf. Il sort jamais de ses trips. je sais pas si c'est prudent de lui filer un gun.
    - Ça ira. De toute façons, il aura sûrement pas besoin de s'en servir.
Ils restèrent un moment sans parler, tandis que la cour de l'immeuble s'emplissait d'ombres, glissantes sur le sol comme des spectres sortis tout droit du royaume des ténèbres. Francis se leva et fit quelques pas.
    - Où tu vas ? Fit Grand Joe.
    - J'sais pas.
    - On va aller voir mes potes, tu viens ?
    - Non, je vais aller faire un tour.
Il fit encore quelques pas, puis se retourna.
    - Grand Joe ?
    - Quoi ?
    - Ce fric, on en fera quoi ?
Grand Joe lui jeta un drôle de regard où se lisaient l'étonnement, la méfiance et la perplexité.
    - Ben, j'sais pas. On prendra notre pied.
    - Et le vieux, tu vas le descendre ?
Grand Joe ricana tout en tirant sur son mégot.
    - J'vais me gêner, tiens...
Le Clou resta là un moment à les observer. Puis il se hâta de quitter la cour et de rejoindre l'avenue. Les derniers mots de Grand Joe résonnaient dans sa tête et s'inscrivaient dans son cerveau en lettres incandescentes : j'vais me gêner tiens.

à suivre

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